Quatrième
jour :Explication de l'Ave Maria
Puisque
l'Ave Maria se répète si fréquemment dans la récitation du
Chapelet, employons deux ou trois jours à nous pénétrer des
sentiments que cette belle prière doit faire naître dans notre cœur, et des affections qui doivent en accompagner la récitation.
Les âmes pieuses y trouvent une source inépuisable de dévotion et
de ferveur; aussi ne pensons-nous nullement à présenter au lecteur
tous les sentiments, toutes les affections qu'excite dans le cœur
fidèle la récitation de cette prière; nous voulons seulement lui
donner lieu de s'en former une idée par les paroles qu'elle a
inspirées à quelques fervents serviteurs de Marie.
Quoique
l'Ave Maria s'adresse à la sainte Vierge dont on implore
l'intercession, cette prière a cependant pour premier objet de louer
son divin Fils et de le remercier de son infinie miséricorde, qui a
éclaté d'une manière si spéciale dans l'incarnation. Le
Saint-Esprit est le principal auteur de cette prière. Le
commencement est composé des paroles de l'archange Gabriel, qui fut
l'ambassadeur de l'adorable Trinité dans l'accomplissement du plus
auguste de tous les mystères; viennent ensuite les paroles que
Sainte Élisabeth, inspirée par le Ciel, adressa à la Sainte
Vierge; la fin est une addition faite par l'Église. Cette dernière
partie est une invocation à la Sainte Vierge; elle y est appelée
Mère de Dieu d'après le concile général d’Éphèse qui
proscrivit les blasphèmes de Nestorius. Nous ajoutons à la
Salutation angélique le nom de celle qui en est l'objet, ce nom
étant très propre à nous inspirer des sentiments de respect et de
confiance. Ce nom, dit Saint Jérôme, signifie dame, et étoile de
la mer. Or, ces deux noms conviennent merveilleusement à celle qui
est la Reine du Ciel, notre protectrice et notre étoile sur la mer
orageuse du monde. D'autres femmes furent appelées Marie dans
l'ancien Testament; mais ce ne fut pas dans le même sens, ni avec la
même signification.
Il
est essentiel de faire attention à ces paroles de l'Évangéliste
saint Luc: « Et le nom de la Vierge était Marie ». Ce nom, comme
nous venons de le dire, est mystérieux. « Il est, dit saint
Bernard, d'une telle vertu et d'une telle excellence, que les cieux
tressaillent, que la terre se réjouit, que les Anges ne peuvent
retenir leurs transports quand il est » prononcé ».
Le
même Père observe que la Sainte Vierge est véritablement l'étoile
sortie de Jacob, et placée au-dessus de cette mer redoutable pour
nous éclairer par les mérites et par l'exemple de sa vie. « O
vous, dit-il, qui êtes battus par les tempêtes de ce monde; levez
les yeux vers cet astre brillant, si vous ne voulez point être
submergés par les flots. Si les vents des tentations s'élèvent, si
vous tombez parmi les rochers des tribulations, regardez l'étoile,
invoquez Marie. Si vous êtes tourmentés par les vagues de
l'orgueil, de l'ambition, de la médisance, de la jalousie, jetez les
yeux sur l'étoile, invoquez Marie. Si vous commencez à tomber dans
le gouffre de la mélancolie ou du désespoir, pensez à Marie. Ayez
recours à elle dans les dangers, dans les détresses, dans les
perplexités; qu'elle ne sorte ni de votre bouche, ni de votre cœur.
Avec elle, vous n'avez rien à craindre; lorsqu'elle vous sert de
guide, vous ne vous lassez jamais ». Tels sont les sentiments que le
nom de Marie doit sans cesse nous inspirer. Ces mots: « Je Vous
salue », annoncent de notre part des sentiments de joie et de
congratulation. L’Archange les adressa à la sainte Vierge, pour
lui
témoigner
le respect dont il était pénétré. Quoi qu’accoutumé à la
gloire des Esprits bienheureux, il fut étonné de celle de Marie,
qui était destinée à devenir la mère de Dieu; et que toute la
Cour Céleste ne pouvait considérer qu'avec ravissement. Apprenons
de là avec quelle humilité des vers de terre et des pécheurs comme
nous, doivent adresser à la sainte Vierge la même salutation.
Mais
écoutons le dévot auteur de l'Imitation, Thomas a Kempis,
paraphraser cette salutation: « Je
m'approcherai
de Vous avec respect, avec dévotion et avec une humble confiance,
lorsqu'il s'agira de Vous offrir la Salutation de l'Ange: je Vous
l'offre donc, la tête courbée par respect pour Votre Personne
Sacrée, et je désire que tous les Esprits Célestes puissent la
répéter pour moi cent mille fois, et beaucoup plus souvent. Je ne
connais rien de plus glorieux pour Vous, ni de plus consolant pour
nous. Que ceux qui aiment Votre Saint Nom écoutent, et se rendent
attentifs. Les cieux se réjouissent et toute la terre doit être
saisie d'étonnement quand je dis: « Je Vous salue, Marie ». Le
démon et l'enfer tremblent quand je répète: « Je Vous salue,
Marie ». La tristesse disparaît, et une joie nouvelle remplit mon
âme, quand je dis: « Je Vous salue, Marie ». Telle est la douceur
de cette Salutation, qu'il n'y a point d'expressions capables de la
peindre; elle est dans le cœur trop profondément, pour que les
paroles puissent la rendre. Je me prosterne donc de nouveau
devant
vous, ô la plus sainte des vierges, pour Vous dire: « Je Vous
salue, Marie, pleine de grâces... » Qui me donnera de satisfaire le
désir que j'ai de Vous honorer de toutes les puissances de mon âme?
Puissent tous mes membres être changés en langues et en voix de
feu, pour Vous glorifier sans cesse. O Sainte Mère de Dieu,
prosterné en Votre présence, pénétré d'une sincère dévotion de
cœur et tout rempli de vénération pour Votre Nom, je Vous présente
la joie que Vous causa la salutation qui Vous fut adressée par
l'Archange Gabriel; puissé-je répéter avec une bouche aussi pure
que l'or, et avec une affection brûlante: « Je Vous salue, Marie,
pleine de grâces, le Seigneur est avec vous ! »
Nous
nous unissons aux sentiments de respect et de congratulation que
l'Ange fit éclater, lorsque nous appelons la Sainte Vierge pleine de
grâces ! Sa dignité ne venait point du sang royal de David qui
coulait dans ses veines, ni d'aucun autre avantage temporel, mais des
dons extraordinaires par lesquels Dieu la distingua des autres
créatures. Destinée à devenir la mère de l'auteur de la grâce,
elle fut comblée de toutes les faveurs dont est capable un être
fini. « Elle fut remplie, selon Saint Bède, de l'océan du
Saint-Esprit qui se répandit sur elle ». Elle dut être enrichie
des trésors de la grâce à proportion de l'intimité des rapports
qu'elle devait avoir avec celui qui en est le principe. C'est pour
cela que l'Église lui applique ces paroles du Cantique des
Cantiques: « Votre beauté est parfaite, il n'y a point de tache en
vous ».
L'éloge
de la sainte Vierge, renfermé dans les mots: « le Seigneur est avec
vous », est une suite du précédent. Dieu, par Son immensité et
par Sa toute-puissance, est avec toutes les créatures, parce que
toutes les créatures sont par Lui ce qu'elles sont; mais Il est bien
plus intimement avec les justes, demeurant en eux par sa grâce, et
leur faisant ressentir les plus précieux effets de Sa Bonté. Quant
à Marie, Elle est véritablement pleine de grâces, et à ce titre
élevée au-dessus de toutes les créatures; Elle a aussi une union
plus intime avec Jésus-Christ dont elle est la Mère. L'Amour dont
Elle brûle surpasse celui des Séraphins; Elle est par excellence le
Tabernacle du Très-Haut, qui la comble spécialement des Dons que
produit une présence aussi extraordinaire, et qui déploie à Son
égard tous les trésors de Sa munificence.
«
Vous êtes bénie entre toutes les femmes », lui dirent l'Archange
et Sainte Élisabeth. C'est à bien juste titre qu'il est dit de
Marie qu'elle est au-dessus de toutes les femmes, puisqu'elle a
toujours été préservée de la moindre tache du péché, et qu'elle
a été l'instrument dont Dieu s'est servi pour lever la malédiction
dont le genre humain était chargé. Lorsque Judith eut délivré
Béthulie d'une destruction temporelle, Osias, prince du peuple, lui
dit: « O fille, vous êtes bénie au-dessus de toutes les femmes qui
sont sur la face de la terre. Le peuple la bénit tout d'une voix en
disant: « Vous êtes la gloire de Jérusalem; vous êtes la joie
d'Israël; vous êtes l'ornement de votre peuple ». À combien plus
forte raison devons-nous appliquer cet éloge à Celle qui a enfanté
l'Auteur même de toutes les Bénédictions Célestes qui se
répandent sur nous? Marie pouvait donc dire d'Elle-même avec
Justice: « Toutes les générations futures m'appelleront
bienheureuse ».
Résolution
Prenons
la résolution de bien comprendre, de bien méditer, et surtout de
dire avec un cœur pur et dévoué à Marie, la belle prière qui Lui
est consacrée, afin qu'en prononçant les paroles qui la composent,
nous soyons pénétrés des sentiments qui inondent le cœur de ses
fidèles serviteurs, et dont la lecture de ce jour nous donne quelque
idée. Oh ! que de charmes nous trouverions dans la récitation du
Chapelet si nous le disions animés du même respect, du même amour,
de la même confiance.
Prière
La
grâce que je Vous conjure, Vierge sainte, de m'obtenir de Votre
Divin Fils, c'est de Vous aimer, Vous
honorer,
Vous proclamer Bienheureuse, parce que vous avez été pleine de
grâces et que le Seigneur a été
avec
Vous; telle sera dorénavant mon occupation la plus agréable, car
aucune autre n'est aussi propre à
m'attirer
votre bénédiction et le secours d'en haut. Ainsi soit-il.
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