Douzième
jour : La dévotion du Rosaire a été autorisée par des
miracles
Tous
les prodiges qui semblent de vrais miracles ne sont pas néanmoins
toujours suffisants pour autoriser une dévotion; ils peuvent
édifier, encourager la piété des fidèles, leur inspirer de la
confiance, quand ils sont revêtus de caractères qui paraissent
certains; mais les miracles authentiques par leur publicité
historique ou monumentale, et confirmés par le suffrage éclairé de
l'Eglise, sont les seuls qui puissent autoriser une dévotion; et,
lorsque l'Eglise ou son chef visible établit des fêtes pour en
constater la mémoire ou pour rendre grâces à Dieu de quelque
bienfait signalé, elle autorise, par cela même, la dévotion qui
est l'objet de la fête; or, c'est ce qui est arrivé pour le
Rosaire. Il y a des miracles de protection publique et des miracles
de protection particulière: nous ne parlerons aujourd'hui que des
premiers.
La
bataille de Muret, livrée le 3 Septembre 1213, et couronnée du plus
heureux succès, est le premier triomphe du au Saint Rosaire: en
voici les détails. Vers la fin du douzième siècle s'étaient
montrés de nouveaux hérétiques, les Albigeois, Leur parti était
puissant et ils arboraient partout l'étendard de la révolte. Il y
avait déjà plusieurs provinces infectées de ce poison fatal qui se
répandait dans toutes les parties de l'Europe. Albi et les
principales villes du Languedoc furent le principal théâtre d'une
guerre sanglante. Saint Dominique, brûlant de zèle pour la gloire
de Dieu, suppliait sans cesse avec larmes le Seigneur d'avoir pitié
de son Eglise. Un jour, la sainte Vierge lai apparut pendant qu'il
priait, et le consola en l'assurant que la prédication du Rosaire
terrasserait l'hérésie. En effet, à peine eut-il arboré
l'étendard du Rosaire et prêché l'excellence et les avantages de
cette dévotion, qu'il dessilla les yeux des hérétiques et des
schismatiques: on les vit en fouit! accourir de toutes parts, et les
églises retentissaient de leurs gémissements et de leurs sanglots.
Les Albigeois, effrayés de la multiplicité et de l'éclat de tant
de conversions, résolurent de réparer
leurs
pertes par un combat décisif: ils rassemblèrent une armée
formidable. Le comte de Montfort, le chef des croisés catholiques,
ce prodige de piété et de valeur, l'admiration du monde et la
terreur des ennemis; en un mot, le Macchabée des catholiques ne
voulut engager le combat que sous les auspices de Saint Dominique.
Celui-ci paraît avec un grand crucifix au milieu des croisés comme
un prophète; il leur promet la victoire, par le crédit de Marie
auprès du Dieu des années, s'ils récitent avec dévotion le Saint
Rosaire. Le comte de Montfort n'avait que 1800 hommes au plus, et
l'armée des hérétiques en comptait 100 000, Plein de confiance
dans l'assistance de Marie et dans les prodiges de la prière, il
l'attaque, la met en déroute, tue le général en chef, fait un
carnage affreux des ennemis et remporte, par la puissante protection
de Notre-Dame du rosaire, une des plus signalées victoires des
annales du monde. Le 7e jour nous avons parlé longuement de la
mémorable victoire de Lépante, à l'occasion de laquelle fut
établie la fête de Notre Dame du Rosaire.
La
victoire remportée le 18 Septembre 1683 par Sobieski, Jean III, rot
de Pologne, est encore un trophée de la protection de Marie. Il
n'avait que 75 000 hommes et les Turcs en comptaient 800 000; mais il
invoqua le Dieu de la victoire par l'entremise de Marie; et à peine
les ennemis qui assiégeaient la ville de Vienne l'ont ils reconnu,
qu'ils s'écrient: « Voilà Sobieski », et prennent la fuite
laissant un butin immense. Sobieski entre en triomphe comme un
libérateur dans Vienne, se transporte à la Métropole, et y entonne
lui-même le Te Deum, l'hymne d'action de grâces, pour rendre
hommage au Dieu des armées et à la sainte Vierge, dont la
protection puissante lui avait obtenu un si mémorable succès. La
fête du Nom de Marie fut établie dans l'octave de la
Nativité,
à l'occasion de cette victoire.
Le
prince Eugène remporta en 1716 plusieurs victoires contre les Turcs
bien supérieurs en nombre, et il les attribua toutes à la
protection de Marie. Mais ce fut surtout à la bataille de Belgrade,
le 16 Août 1717, qu'on reconnut devoir attribuer à l'intercession
de Notre-Dame du rosaire l'intrépidité, la valeur, la sagesse et le
succès du prince Eugène. En conséquence, le Pape Clément XI fit
présent aux Dominicains de Rome, d'un des cinq étendards enlevés à
l'ennemi, et ordonna qu'il serait suspendu dans la Chapelle du
Rosaire.
L'histoire
de France nous fournit encore un trait singulièrement remarquable
par ses circonstances. Louis XIII ayant pris la résolution de
réduire sous son obéissance l'importante ville de La Rochelle,
l'asile et le fort de l'hérésie, mit son armée sous la protection
de la Sainte Vierge et écrivit à la reine-mère de faire faire des
prières publiques en son honneur pour la prospérité de ses armes.
La reine-mère choisit à cet effet l'église des Dominicains pour y
faire réciter le rosaire publiquement. A sa demande, l'archevêque
de Paris annonça qu'on commencerait cette récitation le 22 Mai 1628
pour la continuer tous les samedis, et lui-même voulut lire à haute
voix les sujets et les élévations de chaque mystère. Cette
dévotion fut suivie avec beaucoup d'empressement et de ferveur par
un concours immense de fidèles. Le roi en ayant été informé, fit
pratiquer la même dévotion dans son armée. Le camp résonnait à
certaines heures du jour et de la nuit, des louanges de Marie et des
prières du rosaire qui furent continuées jusqu'à la réduction de
la place: aussi les troupes du roi, « semblables aux Macchabées,
combattant de la main et priant du fond du coeur, remportèrent-elles
une
victoire
éclatante, pleines de joie de l'assistance de Dieu ». (2e. Livre
des Macchabées 15). Le roi attribua cet heureux succès à la
protection de Notre Dame du Rosaire, et voulut que les pères
Dominicains qui se trouvaient dans le camp, entrassent les premiers
dans la ville. En effet, ils devancèrent l'armée en chantant les
Litanies de la Sainte Vierge, ayant en tête leur bannière qui
représentait d'un côté l'image de Jésus Crucifié, de l'autre,
celle de Notre Dame du Rosaire, avec cette inscription en latin: «
Réjouissez-vous, ô Marie toujours vierge, vous seule avez détruit
les hérésies dans tout l'univers ». Ce triomphe fut si éclatant
que l'université de Paris, par l'organe de la faculté de théologie
de la Sorbonne, ne craignit pas de regarder comme nu miracle de Notre
Dame du Rosaire, la défaite des Calvinistes, si ouvertement soutenus
par l'Angleterre et dont la ville de La Rochelle était le plus
redoutable boulevard.
Ces
quelques faits joints à la victoire de Lépante, nous montrent tous
des succès signalés obtenus par l'intercession de Marie invoquée
par la pratique du Rosaire; ils suffisent sans doute pour autoriser
cette dévotion et la faire pratiquer avec plus de ferveur que jamais
dans des temps de guerre ou de calamités publiques. Ils nous
prouvent aussi que c'est à juste titre que Marie est surnommée
Notre Dame des Victoires et que ce n'est pas en vain qu'on l'appelle
Secours des chrétiens.
Résolution
Invoquons
souvent Marie comme protectrice des empires et des royaumes, et en
particulier comme Patronne de la France et Reine du Ciel et de la
terre. Si ce pays n'a pas de guerre à soutenir contre des ennemis
extérieurs, il en a une contre des ennemis intérieurs d'autant plus
dangereux qu'ils ont les moyens de tromper les esprits et d'avoir la
multitude de leur côté. Ils ne réussiront pas dans leurs projets,
si nous avons soin d'implorer avec ferveur. Notre Dame du Rosaire qui
saura obtenir du Ciel les grâces nécessaires pour que la France
demeure fidèle à la foi de ses pères, et se distingue toujours par
son attachement à notre Mère la Sainte Eglise.
Prière
Seigneur,
Dieu des armées, qui tenez en mains le sort des empires, nous avons
recours à la puissante Patronne de ce pays, à votre auguste et
sainte Mère pour obtenir, par son intercession, que votre Nom soit
sanctifié en France, que votre règne s'établisse dans tous les
cœurs, et que les ennemis de l'Eglise et de la religion n'y dominent
jamais. Nous allons vous demander cette grâce en invoquant
Notre-Dame du rosaire par la récitation d'une dizaine du chapelet.
Ainsi soit-il.
1
Notre Père, 10 je Vous salue Marie, 1 Gloire au Père.
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