Vingt-sixième
jour : Le Rosaire, prière vocale
Le
Rosaire étant tout à la fois un livre de méditation, de prières
et d'actions de grâces, il est important pour les fidèles qui
veulent pratiquer cette dévotion, de connaître l'excellence de la
méditation et la manière du la faire en ce qui concerne
particulièrement les Mystères du Rosaire.
Toute
l'étude du chrétien doit être de méditer les Mystères de
Jésus-Christ et de régler sa conduite sur les vertus dont il nous
offre le modèle. Il n'y a de bonheur, de perfection et de salut
ici-bas que dans la connaissance, l'amour et l'imitation de notre
Divin Sauveur; c'est aussi la fin que Saint Dominique s'est
proposée dans l'institution du Rosaire. Ce fut aussi l'intention
formelle des souverains Pontifes qui l'ont approuvé et enrichi
d'indulgences; ils ont voulu donner lieu aux fidèles d'étudier et
d'accompagner Jésus-Christ dans ses principaux mystères. « Je
répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem,
l'Esprit de grâce et de prière », dit Dieu au prophète
Zacharie.
Dieu envoya de nouveau cet Esprit en instituant dans l'Eglise le
Rosaire qui unit d'une manière si admirable et si salutaire la
prière et la méditation. La prière est comme le flambeau dont la
méditation reçoit la lumière et l'ardeur. De là le Rosaire, comme
nous l'avons vu, est appelé la reine de toutes les prières.
Prier,
c'est élever son âme à Dieu pour l'adorer, le remercier et lui
demander tout ce qui nous est nécessaire. II y a deux sortes de
prières: la prière vocale et la prière mentale; elles sont unies
dans la pratique du Rosaire, puisqu'en même temps qu'on prononce des
paroles, l'esprit doit être occupé de la méditation d'un Mystère.
Nous
traiterons aujourd'hui de la prière vocale, et les jours suivants de
la prière mentale ou méditation. Il n'est point d'acte de religion
plus commun ni plus ordinaire que la prière; mais combien souvent
n'est-il pas mal rempli ? Tout retentit des louanges du Seigneur et
des voeux qu'on lui adresse, soit en récitant le rosaire, soit
autrement; mais le coeur et l'esprit prient-ils de concert avec les
lèvres ? et ne peut-on pas dire qu'on récite à la vérité
beaucoup de prières, mais cependant qu'on en fait peu qui puissent
être agréables au Seigneur ? En ne consultant que le seul bon sens
et l'idée qu'il donne de ce saint exercice, pourrait-on voir de
sang-froid avec quelle inapplication d'esprit, avec quelle tiédeur,
avec quelle indécence même on s'en acquitte d'ordinaire ? et
n'aurait-on pas droit de demander si ce n'est pas plutôt pour
irriter le Seigneur, que pour l'honorer que nous le prions ?
En
effet, la prière doit être un entretien avec Dieu, où l'âme
admise, pour ainsi dire, et introduite dans le sanctuaire, expose au
Seigneur ses besoins, lui représente ses misères, lui découvre ses
tentations et ses faiblesses, et, pénétrée des plus vifs
sentiments de respect, d'amour et de reconnaissance, elle tâche de
l'honorer autant par sa profonde soumission à ses ordres, que par sa
confiance et ses voeux. Un acte de religion si parfait, doit-il
n'être qu'une pratique purement extérieure, et si, au moment qu'on
traite avec Dieu, l'esprit s'égare jusqu'à perdre volontairement
l'attention et la dévotion intérieure, prie-t-on Dieu ? Le vrai
culte dépend pour ainsi dire, de notre disposition; Dieu peut être
adoré et prié partout pourvu que ce soit partout en esprit et en
vérité qu'on l'adore et qu'on le prie. Toujours prêt à pourvoir à
tous nos besoins, il demande seulement qu'on les lui expose par la
prière: est-il donc concevable que notre manque de foi, et notre
inattention rendent inutile un moyen si nécessaire et si aisé, si
efficace ! Pourquoi, en effet, la prière nous étant si familière,
et Dieu étant si disposé à écouter et à exaucer nos voeux,
obtenons-nous si rarement
ce
que nous demandons par la récitation du rosaire ? c'est que nous
prions mal, c'est que nous ne pensons pas sérieusement que c'est à
Dieu que nous parlons; autrement lui parlerions-nous avec si peu de
respect, si peu d'attention ?
La
prière n'est pas seulement la preuve de notre confiance, elle est
encore la preuve de notre foi. Quel acte de religion doit donc nous
intéresser davantage ? La prière est, parmi tant d'orages qui nous
assaillent, l'abri le plus sûr et le plus proche; l'ennemi ne
saurait nous forcer dans ce retranchement. Il n'est pas possible de
bien prier et de ne pas vaincre. Quel malheur pour ceux à qui ce
puissant secours devient inutile! Mais réellement la prière faite
comme on la fait souvent, peut-elle être d'un grand secours ?
Combien de gens récitent, par exemple, tous les jours le rosaire
sans qu'on puisse cependant dire en vérité qu'elles prient ? Dieu
n'écoute et n'entend que les prières du coeur. Un Rosaire récité
sans attention, sans affection, peut-il être agréable aux yeux de
Dieu, qui ne compte pour rien tout culte purement extérieur ?
Lisez
l'Evangile, vous y verrez que notre divin Sauveur ne fait attention
qu'à la foi et à la dévotion intérieures de cette pauvre femme
infirme qui touche le bord de sa robe. Vous voyez la foule qui Vous
presse, lui disent ses disciples, et Vous demandez qui Vous a touché
? Cette foule tumultueuse fait peu d'impression sur Lui: il faut que
le coeur parle et que la Foi agisse, si l'on veut que Dieu exauce.
Les seules clameurs de l'aveugle de Jéricho sont peu efficaces; il
faut qu'il dise lui-même à Jésus-Christ ce qu'il souhaite.
L'attention
de l'esprit et l'affection du coeur sont comme l'âme de la prière.
Ne nous étonnons pas si nous sommes si peu exauces. Une prière
morte n'opère rien. Chose étrange ! à force de prier, on
s'accoutume à ne savoir plus ce qu'on fait quand on prie:
l'inattention avilit et profane un si saint exercice. Oh ! quelle
différence, si nous pensions que c'est à Dieu que nous parlons
quand nous faisons quelque prière ! La multiplicité des prières
n'en augmente pas toujours le prix; mais la précipitation avec
laquelle on les dit, en relève-t-elle beaucoup le mérite ? Bien des
personnes se font une loi de n'en point omettre; mais combien ne s'en
font pas une de n'en point profaner ? Deux choses doivent toujours
concourir pour bien prier: la dévotion intérieure et le respect
extérieur. Toute prière doit être animée d'une foi vive, d'une
confiance entière, d'une attention véritable et d'une affectueuse
dévotion. Or, une prière ne peut être telle qu'en élevant son
coeur à Dieu, en dressant son intention, en unissant sa prière à
celles que Jésus-Christ adressait à Son Père sur la
terre,
et surtout en évitant cette précipitation irréligieuse qui rend si
souvent inutile la prière vocale.
Résolution
Concevons
aujourd'hui un véritable regret d'avoir fait si souvent nos prières
vocales et en particulier d'avoir récité le rosaire d'une manière
inconvenante, pour ne pas dire irréligieuse, et prenons la
résolution de ne pratiquer dorénavant cet acte de religion qu'avec
un véritable respect et une tendre dévotion. N'oublions jamais que
la prière, par conséquent la récitation du Rosaire ou du Chapelet
est un acte de religion; que c'est un culte que nous rendons à Dieu,
une supplique que nous lui présentons; qu'elle doit donc être
toujours humble, respectueuse, religieuse et dévote.
Prière
Apprenez-nous
Vous-même, Seigneur, à prier. Nous reconnaissons et avouons que
souvent nous n'avons pas mérité d'être exaucés dans nos prières,
parce que nous les avons faites avec très peu de dévotion,
d'attention et de respect. Nous espérons, Seigneur, que, par
l'intercession de Notre Dame du Rosaire, Vous exaucerez du moins
celle que nous Vous adressons en ce moment, à savoir: de nous
pardonner nos irrévérences et de nous apprendre à bien prier.
Ainsi soit-il.
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